Sur le papier, tout est engageant dans ce disque. Le quatuor Kuss, une jeune formation allemande (berlinoise) au répertoire original et ambitieux, qui-joue-les-classiques-mais-aussi-la-musique-difficile. Un éditeur sérieux, Onyx. Un programme royal, le dernier quatuor de Schubert et le premier de Berg, programme dont le message, « il n'y a qu'une Vienne » me convient tout à fait. On peut ajouter que la notice est excellente, sans aucun jargon, notice qui replace clairement ces oeuvres dans la trajectoire de leurs auteurs.Quand le premier qualificatif qui nous vient à l'esprit pour une interprétation d'une grande oeuvre romantique est l'épithète « soigné », on se dit qu'il doit pourtant y avoir un problème. Avec les reprises, le premier mouvement de ce quatuor en sol majeur D. 887 atteint vingt minutes (format Bruckner), et d'un bout à l'autre, l'oeuvre est réalisée avec un respect louable des nuances dynamiques. Mais jamais de manière vraiment exaltante. Peut-on jouer le Schubert tardif sans aucune tension ? Malgré quelques bons moments (le trio du scherzo), on est entre l'expérimentation et la franche absurdité. On retournera volontiers au quatuor Melos (DG) dans leur intégrale, et bien sûr aux Busch (Emi) et aux Kolisch (un temps chez Dante/ Lys avec le 13e et un hallucinant Quartettsatz D. 703, à rééditer).Changement spectaculaire avec le quatuor op. 3 d'Alban Berg, et intérêt qui remonte de plusieurs crans. Le lyrisme cette fois est bien là, le climat de morbidité viennoise, la souplesse dans la conduite des phrases. Je ne vois pas comment on peut faire beaucoup mieux dans cette oeuvre secrète, qui semble ici dérivée de la Nuit Transfigurée.Il est plus impossible que jamais de décerner une "note" qui soit "juste" à un enregistrement où co-existent deux interprétations aux mérites aussi inégaux.